Comment le nudge peut modifier durablement nos comportements ?
S’il est un domaine dans lequel l’approche Nudge peut trouver toute sa place c’est bien celui de la santé et la sécurité au travail.
En effet, depuis des dizaines d’années les entreprises confrontées à des risques professionnels cherchent, en vain, des moyens pour modifier durablement les comportements et limiter les prises de risques de leurs salariés. Bien que les statistiques en matière d’accidents du travail et des maladies professionnelles montrent une diminution progressive à travers le temps, les organisations en général semblent atteindre un plafond de verre et paraissent démunis lorsqu’il s’agit de traiter ce qui concerne le facteur humain ou le comportement.
Les outils et vecteurs classiquement mis en œuvre, à ce sujet, sont des formations, de la sensibilisation sous forme d’affichage ou de causeries, la sanction…
Si’ l’on accepte que les salariés qui se blessent volontairement représentent une quantité infinitésimale, il est par contre un fait que l’être humain, soumis à certains biais cognitifs, se retrouve, malgré lui, dans des situations où il prend des risques pour deux raisons essentielles : la première concerne sa propre difficulté à identifier et analyser le risque et la deuxième celle à l’évaluer de façon objective.
Quand bien même l’être humain serait-il capable d’analyser et d’évaluer correctement le risque, cela ne présagerait pas qu’il adopte, ensuite, un comportement adapté. De fait, informer ou envisager de faire prendre conscience du risque… n’est pas suffisant.
Comment peut-on expliquer, par exemple, que plus de 14% des médecins généralistes français sont fumeurs suivant les dernières données en la matière datant de 2015 (source : sondage effectué auprès de 1414 médecins généralistes par l’agence Santé publique France dans le cadre de l’opération Moi(s) Sans Tabac). Ce chiffre représente, certes, une minorité mais il met à mal, le vieil adage sur lequel s’appuie toutes les formes de sensibilisation en santé/sécurité publique ou au travail : « je sais… donc je change ».
Le constat est évident : la prise de conscience ne suffit pas à entraîner un changement certain et durable. Il est donc nécessaire d’envisager une autre forme de communication plus en lien avec la réalité du fonctionnement du cerveau humain.
DES BIAIS COGNITIFS A L’ŒUVRE
DANS LE RAISONNEMENT HUMAIN
L’être humain fait preuve d’une irrationnalité prévisible dans les décisions qu’il prend dans son quotidien. Le domaine de la santé/sécurité au travail et la prévention des risques professionnels ne fait pas exception à la règle.
L’être humain est en fait soumis à des biais cognitifs qui altèrent son raisonnement. Pour R.J HEUER, un biais cognitif est une « erreur mentale causée par des stratégies de traitement simplifié de l‘information ».
S’il serait fastidieux d’analyser chacun des biais cognitifs qui entrent en jeu dans le domaine de l’analyse et d’évaluation des risques, il est pourtant indispensable de comprendre que ce sont ces biais, la plupart du temps ignorés des organisations, qui sont responsables des accidents imputables au comportement humain.
Aussi penchons-nous sur les principaux :
Le biais de surconfiance (ou biais de confiance excessive) : c’est la tendance à surestimer ses connaissances, ses capacités physiques et intellectuelles, et à avoir trop confiance dans son jugement, notamment son aptitude à prédire un évènement incertain.
L’effet Dunning-Kruger : c’est un biais de jugement qui correspond à la tendance qu’ont les personnes les moins compétentes dans un domaine donné à surestimer leurs compétences et, inversement, pour les plus compétentes à sous-estimer leurs compétences.
L’optimisme irréaliste : désigne le fait qu’un individu s’estimera moins exposé au risque qu’autrui.
L’illusion de contrôle : correspond à la sur-estimation de son aptitude personnelle à faire face au risque.
L’illusion d’invulnérabilité : est ainsi dénommée la tendance à se percevoir comme moins susceptible qu’autrui de subir les conséquences néfastes d’un événement négatif.
Le découplage : qui représente la tendance de l’être humain à décorréler ses actions des conséquences de celles-ci dans le futur.
La saillance et la disponibilité mentale : correspond au fait d’attacher plus d’importance à ce qui est facilement perceptible ou facilement mobilisable en mémoire.
La norme sociale (l’influence du groupe, le poids du messager ou du pair) : renvoi au fait que nous conformons majoritairement à ce que pense ou fait le groupe auquel nous appartenons ou un individu que nous considérons comme expert ou faisant autorité dans un domaine donné.
L’affect : renvoi au fait que nous sommes des êtres d’émotion, sociaux et empathiques.
Chacun de ces biais, inconscients, agissant en synergie avec les autres, explique les difficultés pour l’être humain d’analyser et d’évaluer les risques professionnels pour prendre les bonnes décisions. Nous mesurons ainsi, combien il est vain de penser que l’individu prend consciemment des décisions l’entraînant à courir des risques pour lui-même ou les autres.
L’être humain fait preuve d’une irrationnalité prévisible dans les décisions qu’il prend dans son quotidien. Le domaine de la santé/sécurité au travail et la prévention des risques professionnels ne fait pas exception à la règle.
L’être humain est en fait soumis à des biais cognitifs qui altèrent son raisonnement. Pour R.J HEUER, un biais cognitif est une « erreur mentale causée par des stratégies de traitement simplifié de l‘information ».
S’il serait fastidieux d’analyser chacun des biais cognitifs qui entrent en jeu dans le domaine de l’analyse et d’évaluation des risques, il est pourtant indispensable de comprendre que ce sont ces biais, la plupart du temps ignorés des organisations, qui sont responsables des accidents imputables au comportement humain.
Aussi penchons-nous sur les principaux :
Le biais de surconfiance (ou biais de confiance excessive) : c’est la tendance à surestimer ses connaissances, ses capacités physiques et intellectuelles, et à avoir trop confiance dans son jugement, notamment son aptitude à prédire un évènement incertain.
L’effet Dunning-Kruger : c’est un biais de jugement qui correspond à la tendance qu’ont les personnes les moins compétentes dans un domaine donné à surestimer leurs compétences et, inversement, pour les plus compétentes à sous-estimer leurs compétences.
L’optimisme irréaliste : désigne le fait qu’un individu s’estimera moins exposé au risque qu’autrui.
L’illusion de contrôle : correspond à la sur-estimation de son aptitude personnelle à faire face au risque.
L’illusion d’invulnérabilité : est ainsi dénommée la tendance à se percevoir comme moins susceptible qu’autrui de subir les conséquences néfastes d’un événement négatif.
Le découplage : qui représente la tendance de l’être humain à décorréler ses actions des conséquences de celles-ci dans le futur.
La saillance et la disponibilité mentale : correspond au fait d’attacher plus d’importance à ce qui est facilement perceptible ou facilement mobilisable en mémoire.
La norme sociale (l’influence du groupe, le poids du messager ou du pair) : renvoi au fait que nous conformons majoritairement à ce que pense ou fait le groupe auquel nous appartenons ou un individu que nous considérons comme expert ou faisant autorité dans un domaine donné.
L’affect : renvoi au fait que nous sommes des êtres d’émotion, sociaux et empathiques.
Chacun de ces biais, inconscients, agissant en synergie avec les autres, explique les difficultés pour l’être humain d’analyser et d’évaluer les risques professionnels pour prendre les bonnes décisions. Nous mesurons ainsi, combien il est vain de penser que l’individu prend consciemment des décisions l’entraînant à courir des risques pour lui-même ou les autres.
LA PLACE DU NUDGE EN PRÉVENTION
DES RISQUES PROFESSIONNELS
Il est classiquement admis que la prévention des risques professionnels s’appuie sur trois piliers indissociables : la technique, l’organisation et la facteur humain (nous préfèrerons remplacer les termes « facteur humain » par le mot « comportement » défini comme étant une action individuelle observable par un tiers).
Agir sur le pilier technique, c’est réduire le risque à la source par des moyens techniques et matériels. C’est aussi protéger les salariés, par la mise en œuvre de dispositifs visant à réduire la gravité potentielle d’un évènement découlant d’une situation dangereuse.
Agir sur le pilier organisationnel, c’est définir les règles en lien avec le travail (consignes utilisation des machines/outils, contrôle de l’environnement de travail et analyse des risques, horaires de travail…).
Agir sur le pilier comportemental, c’est s’assurer que le salarié applique de façon adéquate les mesures technique et organisationnelles qui ont été définies. C’est aussi, de façon plus implicite, lui permettre de mieux analyser l’environnement de travail dans lequel il évolue et, par extension, lui permettre de prendre des décisions plus adaptées dans cet environnement nécessairement changeant.
Vouloir agir sur le pilier du comportement c’est donc avoir réfléchi et mis en œuvre, en amont, des mesures techniques et organisationnelles, avoir défini des consignes claires. Sans norme, il est en effet difficile de déterminer quel est le comportement adapté à telle ou telle situation.
Le Nudge va opérer sur le pilier du comportement en incitant les salariés à agir dans le sens de ce qui est attendu d’eux. Au sens large, il s’agira de faire en sorte que les salariés respectent les consignes santé/sécurité qui ont été définies dans l’entreprise.
Voyons quelques exemples de ce qu’il est possible de faire en la matière…
QUELQUES PISTES DE MECANIQUES NUDGE DANS LES DOMAINES SANTE
ET SECURITE AU TRAVAIL
Il est possible de concevoir des dispositifs protéiformes s’appuyant sur la logique de ce que doit être un Nudge, à savoir :
- Intégrer l’irrationalité prévisible de l’être humain et en particulier ses biais cognitifs
- Agir dans un contexte de liberté
- Solliciter le système 1 (voir article syst 1/syst 2)
- Mobiliser des leviers psycho-sociaux
- Agir sur le terrain
Quelques pistes de leviers et dispositifs Nudge à partir des biais cognitifs identifiés :
Norme sociale (influence du groupe de pairs) : identifier et valoriser en interne des salariés démontrant un haut niveau d’implication en matière de santé/sécurité au travail. Les impliquer dans des actions ou des campagnes de sensibilisation des autres personnels.
Norme sociale (poids du messager) : faire appel à une figure d’autorité pour porter un message ou une campagne de sensibilisation
Pré-engagement : faire signer une charte à l’embauche sur des engagements en matière de santé/sécurité au travail, faire remplir un questionnaire sur la santé/sécurité au travail.
Saillance : rendre certains dispositifs techniques ou des équipements de protection collective et/ou individuelle plus visibles, plus accessibles. Identifier les informations essentielles et les séparer d’autres sources d’information plus secondaires.
Découplage : notamment pour les maladies professionnelles à effet différé, rapprocher la perspective des conséquences des actions. Projeter les gens dans le futur redouté à l’aide de dispositif de communication ou de réalité virtuelle.
NB : le biais de focalisation sur le présent, nous empêche de nous projeter dans un futur redouté.
Surconfiance, illusion de contrôle, illusion d’invulnérabilité : favoriser les simulations et les mises en situation réalistes (ex : simulation de chute de hauteur, conduite sur sol mouillé…)
Affect : appuyer sa communication sur des victimes d’accidents ou de maladie « identifiées ».
LE NUDGE, MAILLON MANQUANT
POUR MODIFIER DURABLEMENT
LES COMPORTEMENTS
La santé et la sécurité au travail sont des domaines d’application du Nudge en plein essor et porteurs de grandes espérances bien qu’encore expérimentaux.
Dans ce domaine, plus que dans tout autre peut-être, les entreprises et collectivités, ont tenté en vain et depuis des décennies de trouver des moyens incitatifs et durables pour modifier les comportements.
Gageons que le Nudge pourra révolutionner les approches « classiques » de prévention des risques professionnels pour aller vers plus de sécurité et réduire, encore, le nombre et la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Rien de bien nouveau, beaucoup d’agitation pour pas grand chose. Le concept est très à la mode. Les recettes proposées sont déjà utilisées depuis longtemps dans certains secteurs. On peut appeler cela nudge, c’est plus joli.
Communication par des victimes d’accident: ça se fait déjà depuis longtemps
Norme sociale idem
Simulation, sous utilisée (sauf avaiation, nucléaire, santé)
Charte d’engagement idem , intéressant sur le plan juridique également. le salarié est AUSSI responsable de ses comportements (cf le code du travail)
Saillance idem: rien de nouveau